L’entrepreneuriat, c’est cool ! Et plus que jamais à la mode, surtout depuis quelques années chez les 20-35 ans. Entre perspectives d’avenir floues, manque de reconnaissance et insatisfaction globale dans le salariat, ils sont de plus en plus à vouloir se lancer à leur compte. Alors, comment devenir entrepreneur en Suisse ?

Sébastien Pomilio, fondateur de BusinessTransfer SA, décrypte cette mode de l’entrepreneuriat et livre ses conseils pour réussir en tant qu’indépendant. Il raconte aussi son parcours, son vécu d’entrepreneur et son expérience avec les chefs d’entreprise qu’il côtoie au quotidien.

On entend chez les jeunes que le salariat ne vend plus trop de rêve, même s'il représente néanmoins toujours une sécurité. L'entrepreneuriat est-il forcément la solution pour toutes les frustrations, qu'elles soient financières ou professionnelles ?

Oui et non car tout dépend de votre profil et de vos motivations personnelles. Si les frustrations du salariat disparaissent avec l’indépendance entrepreneuriale, de nouveaux problèmes surgiront à coup sûr. C’est pour cela qu’il est fondamental d’anticiper et d’estimer les risques, de bien se connaître soi-même. Et surtout, d’être au clair avec vos motivations et les raisons qui vous poussent vers l’entrepreneuriat. Cette thématique ferait d’ailleurs un excellent sujet d’article !

Vous avez créé BusinessTransfer en 2015. À quoi ressemblait votre vie d'avant ?

De salarié à entrepreneur à 29 ans

À l’âge de 29 ans, je crée une entreprise avec un associé. Ma vie de salarié avant cela était tranquille, garantie et sans soucis ! Je cherchais toujours à être efficace dans mon travail. Ambitieux, je suivais des formations continues et mon objectif était clairement de m'élever dans l'entreprise. J'avoue avoir toujours été quelqu'un d'insatisfait. Tout en voulant évoluer dans ma carrière, je souhaitais aussi décrocher des postes à responsabilité pour m’offrir de nouvelles perspectives.

De la comptabilité au consulting marketing

De comptable dans une fiduciaire, j'ai changé d’orientation et ai décidé de suivre des études de marketing. Ce domaine s’est révélé correspondre bien plus à mon mode de fonctionnement. À la fin de mes études, j'ai donc créé une société de conseil et de formation en marketing, en y intégrant des mandats de comptabilité.

En plus de notre clientèle fidèle, nous avons développé pendant près de 10 ans diverses formations dans les domaines du management, du marketing et de la création d'entreprise.

Formations professionnelles et formation continue

En parallèle, j’ai toujours continué à me former pour parfaire mes connaissances générales. J'ai ainsi suivi plusieurs formations professionnelles :

●       Brevet fédéral de comptable

●       Brevet fédéral de marketing

●       Formateur d'adultes FSEA

●       Conseiller en assurance AFA

●       Courtier en immeuble USPI

●       et divers cours linguistiques

Grâce à toutes ces compétences, j’ai développé une véritable vision à 360 degrés. Cela me permet aujourd'hui de comprendre rapidement le fonctionnement et la gestion de tout type d’entreprise. Autant dire que c’est un atout majeur pour pouvoir accompagner mes clients dans la transmission d'entreprise

Qu'est-ce qui vous a mené à l'idée de fonder BusinessTransfer ?

En 2013, je vends mon entreprise à une holding qui cherchait à développer ses activités dans la région. Suite à cette vente, je réfléchis à mon futur et me demande vers quel secteur finir ma carrière. Étant donné mon profil de généraliste et d'ex-chef d'entreprise, je n'intéresse pas les PME en tant que salarié. Il me reste donc deux alternatives : acheter une entreprise ou offrir mes services en tant que consultant.

C’est en cherchant une entreprise à acheter que je remarque que j’ai beaucoup de facilité à analyser et comprendre le fonctionnement des entreprises qui me sont présentées. Après quelque temps, je décide de me lancer dans le domaine de la transmission d’entreprises et de la remise de fonds de commerce. Pour ce faire, je me forme à nouveau, cette fois au sein d'une des sociétés leader dans ce domaine. Après deux ans, je fonde officiellement BusinessTransfer SA.

Pour vous, y a-t-il un ''profil'' d'entrepreneur typique ?

Oui, quand même. Les profils d’entrepreneurs sont évidemment très variés. Mais pour moi, il est nécessaire de réunir quelques qualités, aptitudes et pré-requis avant de se lancer dans l’entrepreneuriat.

Les qualités indispensables d’un entrepreneur

●       capable de bien communiquer en interne avec son personnel

●       maîtriser le marché sur lequel on évolue et suivre de prêt ses concurrents

●       innover sans cesse en se remettant régulièrement en question

●       moderniser les outils permettant l’acquisition et la fidélisation de nouveaux clients

●       avoir des compétences de gestion d’entreprise

●       être à l’aise avec les outils informatiques

●       Finalement, ne pas compter ses heures, aimer son travail et être persévérant

La sécurité financière : un atout majeur

Ensuite, il faudrait aussi disposer de réserves financières pour tenir 1 à 5 ans selon votre projet. Ou en tout cas de revenus suffisants provenant d'un conjoint, d’une trésorerie personnelle ou d’un financement suffisant.

Une fois qu'on a sauté le pas et commencé à tracer sa route, il faut la suivre quoi qu'il arrive... valider son offre… convaincre de nouveaux clients et les fidéliser.... et développer sans cesse ses produits / services... Le succès finira par arriver !

Quel est selon vous le problème le plus fréquent des patrons que vous rencontrez ?

Je suis régulièrement confronté à des situations où les entrepreneurs veulent transmettre leur entreprise. Mais ils rencontrent souvent ces principales difficultés :

L’entreprise n’a pas été préparée pour être vendue

Rappelons que la Suisse est constituée de 87% d'entreprises de moins de 10 personnes. (Source : Office fédéral de la statistique)

Souvent le patron endosse toutes les responsabilités et le personnel a peu de compétences managériales. Dès lors, dès que l’entreprise doit être vendue, les acheteurs potentiels craignent qu'une fois que le patron n'est plus là, l’entreprise ne tourne plus !

La rentabilité est trop faible

Souvent, les entreprises ont une rentabilité trop basse pour intéresser les repreneurs. Il est trop fréquent que les patrons mettent la rentabilité de leur entreprise dans leur salaire (ou dans d’autres avantages). S’ils cherchent à minimiser le bénéfice de l'entreprise pour payer un minimum d’impôts, cela peut être perçu comme un manque de rentabilité par les repreneurs. Le potentiel de croissance est ainsi considérablement réduit, et les repreneurs ont l’impression que l’entreprise a peu de potentiel. Du coup le prix de vente demandé semble surfait. Lire l’article : “3 points fondamentaux pour vendre son entreprise au juste prix”.

Manque d’innovation et d’objectifs de développement

Un problème important que l'on retrouve aussi dans les entreprises de moins de 20 personnes, c'est le manque d'innovation. On se contente de ce que l'on fait depuis longtemps tant que les revenus sont suffisants. De plus, je suis étonné de voir le nombre d'entreprises qui n'ont pas de commerciaux et qui se contentent de la clientèle existante et des affaires générées uniquement par son dirigeant.

Et la solitude de l'entrepreneur, mythe ou réalité ?

Je pense que c'est une réalité pour la vie sociale et la vie de famille. Beaucoup de temps est effectivement consacré au travail quand le revenu principal en dépend ou que les objectifs de croissance sont importants. Par contre, dans le monde des affaires, il y a également beaucoup d'échanges et de possibilité de communiquer. En plus de communiquer avec ses employés, traiter avec ses fournisseurs, sous-traitants et ses clients, l’entrepreneur a le choix de bien s’entourer pour ne pas rester seul. Par exemple, de nombreux cercles d’entrepreneurs et associations professionnelles existent pour élargir son réseau (lire l’article).

Être entrepreneur, c'est dans le sang ou ça s'apprend ?

La plupart des entrepreneurs diront que c’est dans le sang pour justifier leur réussite et leur statut d’entrepreneur. Mais personnellement, je pense que cela s’apprend ! Le plus important est d’avoir au moins une compétence forte à la base. Voyez le nombre de salariés qui ont repris par obligation l’entreprise familiale ou celle de leur patron partant à la retraite. Ils n’étaient pas destinés à devenir entrepreneur mais ils ont pris le risque et souvent avec succès.

Quel serait votre meilleur conseil à un chef d'entreprise qui cherche un associé ?

Il faut déjà définir si vous cherchez un partenaire financier (passif) ou un partenaire apportant des compétences techniques ou autres (actif) ou un associé qui entre dans le capital de votre société.

Une fois que l'on a trouvé un ou des candidat-s, il faut démontrer que votre business-model va générer du chiffre d’affaires récurrent et des revenus permettant de développer l'entreprise, de payer les charges, rembourser les emprunts et générer des bénéfices en rapport avec les montants investis.

Il va falloir aussi s’assurer des raisons qui poussent votre futur associé à vouloir investir et à quelles conditions ? Si tout se passe bien, tout le monde sera content mais en cas d’échec ou d’impossibilité d’honorer ses engagements, que se passera-il ? Il est donc primordial de valider toutes les possibilités et de les consigner dans un contrat qui définit le rôle des associés et/ou investisseurs et leur rémunération.

Pourquoi 30% des entreprises ne trouvent pas de repreneur ?

Aujourd'hui, il y a de plus en plus de PME à remettre étant donné le nombre de patrons qui vont partir en retraite dans les 15 prochaines années.

Beaucoup de PME ne trouvent pas de repreneurs pour différentes raisons

Ces raisons sont souvent identifiées au cours de l’étape de la Due Diligence (lire l’article : “Achat d’entreprise : qu’est-ce que la Due Diligence ?”). Mais elles peuvent aussi être propres au repreneur :

●       l'acheteur n'a pas assez d'argent

●       les banques refusent le financement

●       l’entreprise n'est pas assez rentable

●       l'entreprise est peu innovante et n’a pas de valeur ajoutée par rapport à la concurrence

●       la clientèle est peu fidélisée et les revenus peu récurrents

●       le chiffre d'affaires est aléatoire d’un exercice à l’autre

●       la rentabilité n’est pas suffisante.

Toutes ces raisons sont des prétextes (justifiés ou non) pour l'acheteur de renoncer à son projet de reprise.

Les jeunes générations sont de moins en moins carriéristes

De plus, un élément fondamental et trop rarement abordé : la jeunesse d'aujourd'hui aspire plutôt à des études qu'à des apprentissages. Par conséquent, il y a beaucoup moins de personnes disponibles pour reprendre des entreprises du bâtiment, de la mécanique ou d’autres métiers techniques.

De plus, les jeunes générations souhaitent de moins en moins faire carrière et disposer de plus de temps pour leurs loisirs. Il n'est pas rare aujourd'hui de voir des employés ou des cadres travailler à 50 ou 80%. Finalement, travailler de longues heures et se sacrifier au travail intéresse de moins en moins de personnes.

Comment estimez-vous que le marché va évoluer dans les années à venir pour les entreprises ?

Je pense qu'il y aura de plus en plus d’entreprises à céder, mais parallèlement de moins en moins de personnes prêtes à relever le défi de l'entrepreneuriat. Le risque financier est important et les responsabilités à assumer sont multiples et pesantes. De plus, les entreprises qui sont sur le marché s’arrachent les talents et offrent suffisamment de conditions attrayantes pour que ces derniers ne partent pas vers la concurrence ou n’aient pas envie de prendre le risque de l’indépendance entrepreneuriale.

Vers des sociétés d’investisseurs pour sauver les petites PME suisses ?

Cependant, je pense que dans le futur des structures vont apparaître pour absorber une partie des entreprises qui ne trouvent pas de repreneurs. Je parle ici de petites structures d’entreprises jusqu’à 20 personnes qui n’intéressent généralement pas les « Private Equity ». Il s’agit d’investisseurs qui se regroupent à travers une société Holding et dont la mission sera d’acquérir des participations de sociétés en vente. L’objectif est de garder le savoir-faire et de mettre en place des ressources pour dynamiser les activités de l’entreprise. Bien que le risque d’échec existe pour le repreneur, le fait d’acquérir plusieurs entités permettrait de limiter les risques d’échecs.

Dans le cadre des activités de diversification de BusinessTransfer, nous sommes en train de valider ce modèle et avons déjà réuni des investisseurs potentiellement intéressés par ce projet et prêts à investir au total plus de 20 millions de francs suisses.

Finalement il faut rester optimiste ! Tant qu’il y aura des hommes et des femmes avec un esprit entrepreneurial, il y aura toujours des solutions pour trouver et financer des entreprises à céder.